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  • : carnet-rickshaw
  • : Blog consacré aux Rickshaw Wallahs et relayant un voyage Dhaka-Delhi à vélo-rickshaw (oct 2008-mars 2009)
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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:59

Les carnets de route qui alimentent cette rubrique s’apparentent davantage à des coups de cœur qu’à une véritable évocation du chemin parcouru journellement. Dans ces carnets, les rencontres et les descriptions des lieux ont été toujours privilégiées par rapport à la simple évocation de soucis matériels d’une journée écoulée.

Jean-Louis
 

ps: cette rubrique suit l'ordre chronologique

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:57

Tu m’as fait un croche patte, Dhaka, ou alors je me suis laissé séduire par toi. Je n’en sais rien au juste. Entre une histoire de « Je t’aime » et de « Je ne t’aime pas ». Déjà. Tu m’as pourtant griffé ces premières heures, et puis voilà, je suis toujours entre tes murs.

 
Je ne comprends pas. Tu me « fatigues » pourtant de ta circulation apocalyptique, de tes bruits incessants, de ton animation envahissante. Ce n’est rien de le dire. « Fatigué » de ne rien faire pourtant, « fatigué » de voir, de ne pas regarder, « fatigué » d’entendre, de ne pas écouter. Dis moi, t’en a « assommé » et t’en assommeras combien encore des touristes comme moi.

Pas même tu me laisses la place pour me frayer un chemin. A pied. Bouchon de rickshaw. Immobile. Mettre un pied devant l’autre. J’aimerai bien. Je ne peux pas. Il faut enjamber ci, enjamber ça, regarder devant, derrière.
Un manque d’attention, et je suis bon pour me faire renverser, ou pour bousculer un de ces petits marchands de rues. Il y a la celui qui nettoie les oreilles, ou celui qui fait la couture. Il y a là celui qui vend son thé, ou qui vend son pan.
        
        
Il y a là celui qui vend quelques cigarettes, ou trois ou quatre poissons qui agonisent en tournant en rond au fond d’une bassine d’eau noirâtre. Il y a là celui qui vend ses  sept ou huit oranges, celle qui…Non. Il n’ y a pas « Celle ». Il n’ y a jamais « Celle » dans ces petits boulots. Ou très rarement. Reflet d’une société. Peut être. Je n’en sais rien.

Alors, c’est vrai que tu en abrites du monde dans tes rues. Que ce soit le jour, que ce soit la nuit.

J’ai vu ces gens la nuit prendre place sur des nattes à même le sol. Old Dhaka. Plein centre. Une jeune femme allongée au sol sur un tapis, tient dans ses bras son enfant. Autour d’eux quelques ustensiles. Elle dort. Ou semble dormir. Tromper le temps. Peut être. Autour d’eux, l’activité bat son plein. Comme si de rien n’était. Ce n’est rien.

Sur d’autres lieux, j’ai vu des familles dans des conditions aussi précaires. C’est à quelques centaines de mètres des centres commerciaux. Il y a là une bâche bleue attachée à quatre bouts de bois. Un mètre cinquante environ de haut. A coté, un foyer autour duquel bavardent femmes et enfants. Les hommes ne sont pas là, ou plus là. Je ne sais pas. Tout semble « du plus naturel ». L’activité de la rue est « fluide » en dépit de la scène. Signe du télescopage des différentes classes d’une société. Comme il en existe parfois chez nous aussi.

Je ne sais rien des nuits de ces gens là, de leurs journées non plus. Je ne sais rien de leur vie.

Tu m’as logé derrière l’embarcadère Dhaka, vers Sadar Ghat, à quelques mètres de Buriganga River, histoire que je vive davantage encore à ton rythme. L’animation y est totale c’est certain. C’est le lieu des entrepôts d’épices, de fruits et de légumes. 
        
J’ai ainsi goûté à tes parfums. De ces parfums indéfinissables au fond, où les odeurs s’entremêlent. Va donc faire le tri là dedans. J’en suis bien incapable. L’ensemble est excellent. Douceur olfactive, en dépit de quelques tas d’ordures qui ont oublié de se faire discret. 

 

J’ai arrêté le temps et les activités de bon nombre de tes habitants en flânant dans tes rues. Combien d’attention tes ôtes me portent ! Je ne peux faire guère de pas sans que je sois interpellé par l’un d’entre eux. « Witch country ? » « May I help you ? ». Combien j’en ai entendu ces quelques jours. Je suis abordé sitôt que je semble chercher mon chemin ou autre chose.

Ils veulent savoir ci, veulent savoir ça. Curiosité. Gentillesse. Je vous retrouve là.

Et si bien même nos connaissances respectives en anglais et en bangla sont limitées, il nous reste les gestes et les sourires pour communiquer.

          

Je n’avais jusque là jamais trouvé autant de gens attentionnés. J’ai découvert ça chez toi ici. Et en dépit de ton rythme de vie qui tient du délire, je garderai de toi un excellent souvenir.

 

Jean Louis

(à suivre)

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:55

Alors c’est donc toi le « New Rickshaw », qui va t’en aller sur les routes du pays. T’échapperas donc à notre « enfer » d’ici, t’échapperas donc à notre quotidien. Tu n’en seras  au mieux que témoin. Tu m’diras, tu rencontreras sans doute d’autres « enfers » comme le notre dans le pays. Tu m’raconteras ça. Tu « repasseras » bien ici à ton retour, n’est-ce pas ?

Enfin, tu sais au moins ta chance, j’espère. Tu vas te balader toi, tu t’en fous. T’as vu un peu à quoi ça ressemble la vie ici ? T’as vu le cadre ?

   
Ces plaques de tôles à la verticale là bas, ça délimite à nous tous notre « chez nous ». Les planches, là haut, c’est pour les rickshaw wallahs, c’est pour dormir. Pas de matelas, non. Au mieux quelques nattes. 

                           
Ce point d’eau, au milieu de la cour, c’est pour eux encore, pour leur toilette. Oui, ils sont une centaine ici, je sais. Ils ne sont « que ! » 70 de l’autre coté de la rue, dans l’autre « boutique ».

Eh bien oui, t’as pas d’intimité. Je sais. C’est comme ça la vie ici.

    

Pour manger, c’est repas collectif pour tous. T’aimes, t’aimes pas, c’est pareil…

Ce sont des femmes du quartier qui font les repas…

C’est ça la vie ici…

La Vie ici, c’est aussi donner au boss chaque jour en rentrant, 80 à 100 Takas pour la location du rickshaw (1). Un bon « business », tu vois, la location de rickshaw…

       
La Vie
ici, elle est sans doute meilleure qu’ à Mymensingh, d’où tous ces rickshaw wallahs sont originaires. Ils y ont laissé les leurs, et s’en retournent les voir une fois par mois …

La Vie ici, tu vois, c’est comme ça…

 

Jean-Louis

(à suivre)

 

(1) le tarif de location varie de 80 Takas pour les rickshaws les plus vieux à 100 Takas pour les rickshaws les plus neufs

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:53

Jeudi 16 octobre. Dhaka. Banlieue nord, du coté de l’aéroport. Quartier de Kolatori.

C’est fin d’après midi. Grégoire nous quitte. Il voulait voir mon rickshaw. Il m’a accompagné cet après midi chez Mustaffa. Il retourne maintenant sur Dhaka rejoindre Marie.

Mustaffa me conduit alors chez un de ses amis déposer mes bagages. Nous bavardons avec lui, buvons le thé. C’est tradition ici. Nous partons ensuite faire des emplettes.

Mustaffa me conduit à travers le marché du quartier. Les échoppes viennent d’ouvrir. Petites boutiques de rues. Il y a là le vendeur de légumes qui fait et refait ses étalages. Il les « soigne », en prend soin. Ce sont des présentations « pyramidales » d’oranges ou de citrons. Il y a là les vendeurs de noix de coco, de bananes. A coté le coiffeur-barbier. Un homme se fait rasé. Dans un filet, dans un grand panier d’osier, sept à huit poules blanches « attendent  sagement que leur tour arrive ». Mustaffa me demande si j’aime le poulet.  « Yes, I like »… Quelques mots échangés avec le vendeur, et je vois celui-ci plonger sa main dans le filet. Battement d’ailes. Instinct de survie. En vain. Il l’a attrapée, s’en retourne de quelques pas, et le couteau à la main, tranche le coup de la poule. Ce sera donc poule ce soir, au repas…

Mustaffa m’emmène voir le marché des épices. Je n’y connais rien. Dommage. Elles sont innombrables, dans les couleurs orangées ou brunâtres. Les senteurs sont exquises.

Après quelques thés offerts par les différents commerçants, Mustaffa m’invite à acheter lungi et sandales. C’est plus pratique pour conduire le rickshaw me dit-il. J’achète deux lungi, l’un bordeau, l’autre bleu. Il s’agit d’un drap de tissus qu’on s’enroule autour de la taille et qu’on laisse tomber le long de ses jambes. Ce sont surtout les rickshaw wallah qui les portent.

J’achète aussi sandales en plastique.

Il fait nuit maintenant. Nous rentrons. Je change mon pantalon pour mon « lungi ». Pas évident à faire tenir…

Nous pénétrons dans la maison du cuisiner de la Compagnie de rickshaw. C’est une cabane de tôle ondulé et de natte de bois. Nous prenons place sur le sommier. Face à moi, une tv et un vieux poste radio reposent sur une commode. Des malles, des sacs, des ustensiles de cuisine garnissent la pièce de façon anarchique.

Une coupure d’électricité nous plonge dans le noir pendant plusieurs minutes. Les rickshaw wallahs présents sortent leurs portables pour profiter de « l’éclairage » de ceux-ci. Une femme va chercher trois bougies et les allume. C’est plus « efficace » comme éclairage. Nous attendons le retour de l’électricité pour déjeuner.

Ce sera donc « chicken and rice » ce soir. Mustaffa est allé me chercher un coca et une nouvelle bouteille d’eau. Je viens de finir la mienne. Je suis l’invité ce soir. Je suis aux petits soins.

Nous passerons la soirée à « bavarder », à écouter la tv aussi, une tv que les rickshaw wallahs présents apprécient même s’ils n’en comprennent pas les paroles. La chaîne est indienne. Bollywood s’invite chez les rickshaw wallahs…

Nous avons terminé le repas. Je suis invité à aller me coucher dans le cabanon à l’entrée de la cour, sous le dortoir (1) des rickshaw wallahs. Il donne sur la rue. Un cabanon de tôle ondulé, de deux mètres par deux mètres. Il ne faut pas être grand pour entrer. Ca tombe bien. Je peux rentrer sans baisser la tête. Dans ce cabanon, un plateau de bois m’attend. Une couverture y est étendue, deux oreillers posés. Une moustiquaire a été installée. Mustaffa m’invite à entrer sous celle ci, puis la borde aux quatre coins du lit. Il prend soin de moi.

Un ventilateur et une lampe au plafond me tiennent compagnie ce début de nuit. Après quelques minutes, je finis par comprendre que Mustaffa est allé se coucher ailleurs. Sans doute « au dessus de ma tête » avec les autres rickshaw wallahs. Je peux éteindre.

Je m’endors « délicatement », entre la dureté du sommier et les aboiements des chiens. Il y a aussi les rickshaw wallahs qui poursuivent les discussions.

Je me lève tard. Bon nombres de rickshaw wallahs ont déjà quitté la Compagnie.

Mustaffa m’invite à faire ma toilette. « In side, is-it ok ? ». Il me montre  un cabinet de toilette fermé. Je préfère faire ma toilette en « partie close ». Les autres rickshaw wallahs font leur toilette autour de la fontaine, dans un coin de la cour. Je ne suis encore pas très à l’aise avec mon « lungi » pour me laver « en public ». L’idée que je puisse le perdre reste en « suspend »…

Mustaffa me fournit seau d’eau et savon. Le rasage, ça attendra plus tard.

La toilette faite, Mustaffa m’invite à prendre le petit déjeuner. Nous partons au marché où nous étions hier soir. Nous entrons dans une de ces petites échoppes de rue. Les gens se  poussent du banc et me font une place. Ce sera omelette avec nan, ces pains ronds cuits que l’on retrouve sur tout le sous-continent. C’est un enfant d’une dizaine d’année qui me sert. Je peux me dire que c’est vendredi, qu’il n’y a pas école…

 Il fait chaud quand nous ressortons du « restaurant ». Le ciel est bleu limpide. Nous regagnons la Compagnie

 

Jean-Louis

(à suivre)

 

(1) Il s’agit d’une plateforme de 4mx20m env, située à une hauteur de deux mètres environ à laquelle on accède par une échelle. Sur cette plateforme dorment les rickshaw wallahs les uns à cotés des autres, chacun sous sa moustiquaire. Sous cette plateforme, leurs rickshaws. Dans cette compagnie, une centaine de rickshaw wallahs, répartis en deux dortoirs.

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:51

Quartier de Banani. Premiers tours de roue sur le secteur. Je m’en vais consulter internet au cyber café près de l’ambassade de Suisse.

Je dois emprunter le grand axe qui relie Gulshan à Banani. L’accès est interdit aux rickshaws. Des panneaux le stipulent. Mais je n’ai d’autre solution pour franchir le lac qui sépare les deux quartiers. Je ne connais pas assez le secteur pour m’aventurer sur un autre chemin.

Des policiers sont là, pas très loin, à une intersection. Ils « font » la circulation. Je sais bien aussi, que ceux ci « tolèrent » le passage des rickshaws selon horaires… Et « autres ». Je l’ai vu.

Je me lance. On verra bien.

Le revêtement est parfait. Le rickshaw semble plus facile à conduire, moins lourd que Budhbar peut-être. Ou est ce du à la mécanique neuve. Moins de frottements. Sans doute. C’est une bonne surprise.

 Je me tiens bien à gauche de la voie. Des coups de klaxons bien sur, mais c’est pour le « décor », pour le « folklore ». Pas pour moi. Devant moi, un cycliste. Il « n’avance pas ». Je ne veux pas m’éterniser sur cette voie. Je le dépasse, lui souris. Sonné ! Il n’en croit pas ses yeux. Son regard semble hagard.

J’arrive près des policiers. Ils me regardent passer, surpris et amusés. Ils me laissent passer, ne disent mot.

Le lac franchi, j’emprunte sur ma gauche la première rue. Rue secondaire…et défoncée. Ca va de paire.

Après quelques centaines de mètres parcourus, me voici de retour sur le grand axe qui relie Banani à Gulshan. Je m’arrête. J’interpelle un jeune homme. Je suis « un peu ( !) » au milieu de la route. Je n’y prête pas attention.

- Hello please, do you speak english?

- Yes my friend

- Do you know where is Swiss Embassy ?

- Yes, it ‘s just on the opposite side, me montrant du doigt la direction.

Witch country please?

- France. I am french.

Rapidement, plusieurs personnes s’ approchent du rickshaw.

- Please, what is this rickshaw ?

- This is the mine

- This is your rickshaw ? ? ? ? ? ! ! ! ! !

-  Yes

-  Do you have bought this rickshaw ? ? ? ? ? ! ! ! ! !

-  Yes, in Kolatori.

-  Really ? ? ? ? ? ! ! ! ! !

-  Yes, this is my rickshaw

Ils sont bien une « bonne » vingtaine maintenant autour du rickshaw. Un CNG (1) s’approche.

- …And…what will you do with this rickshaw …(…?)

-  I will try to visit Bangladesh and India. I will try to meet rickshaw wallahs. First, I will go to Chittagong by rickshaw.

-  ? ? ? ? ? ! ! ! ! !

- Hey ! Hey !  Hey !  Hey ! Ziiiiis !  Ziiiiis ! Ziiiiis ! (2) Tuuuuut ! Tuuuuut ! Tuuuuut ! (3)

C’est peut-être une trentaine de personnes qui sont autour du rickshaw. L’attroupement bloque le passage des piétons et véhicules. Le CNG ne peut passer. Klaxons. Des sifflets se font entendre. Je dois partir, quitter les lieux…

 

Jean-Louis

(à suivre)

 

(1) Triporteur taxi de couleur verte officiant sur Dhaka

(2)  Coup de sifflets…de policiers peut-être

(3)  Coup de klaxons…divers et variés … ! ! !

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:49

Je descends du rickshaw, le pousse. Un fossé à franchir. Une dernière grimpette de quelques mètres, sur l’herbe. Ce sont les derniers tours de roue. Un dernier coup de rein, et nous voici arrivés sur une plateforme de terre battue que borde une maison en torchis. Nous sommes arrivés chez Mustaffa.
         

De ces instants hors du temps. Une plénitude. Quand je te disais, le Temps, que je te ferai « élastic »…
...

         
Sa famille vient à nous. Son père, sa femme accompagnée de ses enfants, ses amis aussi. Ils échangent quelques mots, me sourient, s’approchent rapidement de moi. Ils se tiennent là, debout, droit, à un mètre ou deux de moi. Il y a là des hommes, des femmes, des enfants. Les hommes portent tous le lungi. Les femmes sont « drapées » dans des sarees colorés. Ils me dévisagent, font des « dodelinements » de la tête. Des regards perçants, lumineux. Comme celui des enfants qui s’émerveillent pour un oui, pour un non.  Ce sont peut-être de grands enfants au fond. A s’émerveiller d’une rencontre, de l’étranger, de l’incongru aussi peut-être.

         
Je ne dis rien. Je savoure ces instants de rencontre, non pas d’être  la « vedette » d’un jour. De ces instants qui nous surprennent nous même.

Je suis invité à m’asseoir sur un banc de bois qu’un homme m’apporte.

«- Seat down please, seat down » me lance Mustaffa.

Je m’assois donc, regarde autour de moi. Sur ma gauche et face à moi, une maison de torchis au toit de métal. Derrière moi, la rizière que nous venons de longer sur quelques mètres. La terre est humide, les plants sont longs. C’est récolte le mois prochain. Sur ma droite, la famille et les amis de Mustaffa. Derrière eux à quelques mètres, deux vaches maigres broutent sous des arbres que je ne sais reconnaître. Dommage. Une poule suivie de ses poussins vont et viennent. Une petite chèvre noire est couchée. Dans la même direction, j’aperçois une autre maison, faite de tôle et de torchis.

         

Je m’essaie à mon bangla. Je « pique » au hasard dans leurs conversations des sonorités faciles à retenir. Je les ressors. Je fais rire l’assemblée. Mon bangla ne doit pas être encore très au point…

«- Come on please, come on. We go to my home, ok? »…

Je me lève, quitte mon banc. Les personnes présentes s’écartent pour me laisser passer.

Nous empruntons un chemin étroit qui mène à la dernière maison que j’ai vue…


Jean-Louis

(à suivre)

 

 ps : partis de Dhaka le 21 octobre en tout début d’après midi, nous sommes arrivés chez Mustaffa le 22 en fin de matinée. J’ai conduit le rickshaw, Mustaffa m’a suivi à vélo. Nous sommes sortis de Dhaka par une route à quatre voies. Trafic intense, où la vigilance doit être de mise.

Nous avons suivi cet axe Dhaka-Mymensingh sur plusieurs kilomètres, avant de nous engager « plein ouest » sur les routes de campagne. Finis les bus et les camions. Les rickshaws et autres cyclos prennent possession de ces petites routes étroites qui sillonnent la campagne Bangladeshi. De nombreux étangs plus ou moins vastes bordaient les routes. Des pêcheurs relevaient des filets carrés tenus au bout d’une canne de bambou. D’autres marchaient dans ces mêmes étangs, le dos courbé, poussant devant eux leur filet. Rizières, bananiers, cocotiers, nous ont accompagnés jusque chez Mustaffa.

              
J’ai passé là trois jours grandioses dans sa famille. J’étais aux petits soins. J’ai découvert une approche autre de la communauté familiale, du privé et de l’intime. Relations autres.

J’ai fait connaissance avec sa femme Shoumi, ses enfants Kamal et Mouni, ses amis. J’ai vécu au rythme des palabres, des innombrables thés pris d’échoppe en échoppe au village. Je suis allé rendre visite à Bibi la grand-mère. J’ai rencontré Malek le jour de son mariage…

         
Trois jours hors du temps. J’ai rencontré l’exceptionnel…

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:47

Il pleut cette fin d’après midi sur Mymensingh. Nous nous rendons au cinéma Mustaffa et moi. Cinéma de quartier. Il est 18h00. Il fait nuit déjà.

Nous franchissons une grille métallique coulissante rouillée et entrons dans un vaste hall rectangulaire aux murs verts et au plafond rose. Suspendus au plafond, six ventilateurs. Ils ne fonctionnent pas. Entre ceux-ci, quatre carrés de bois vert de 1m par 1m environ agrémentent la décoration. Deux néons assurent l’éclairage. Des fils électriques pendent au plafond. Sans doute un troisième point lumineux. Défectueux celui-ci.

Sur la droite en entrant, le marchand de « chips » et d’autres coupe-faim. Derrière lui, cinq ou six petites affiches de cinéma sont collées au mur. Certaines d’entre elles sont déchirées. De plus grandes affiches de 1m50 par 2m environ reposent au sol à proximité. Visage d’acteurs et d’actrices de cinéma Bangla me précise Mustaffa.

Sur un banc face à l’entrée, adossé au mur, un policier assure les contrôles de sécurité. De façon nonchalante, il me demande d’ouvrir mes sacoches. Ce que je fais, ne trouve rien à redire.

Nous achetons les meilleures places. 30 takas la place Nous serons au deuxième étage, au plus haut. C’est 20 takas la place au rez de chaussée.

Nous attendons assis sur un banc que la séance précédente se termine. Autour de nous des adolescents essentiellement et quelques hommes plus âgés. Aucune femme, aucune famille, pas d’enfant.

Deux, trois, puis rapidement cinq, dix personnes s’approchent de moi. Elles restent là, à me regarder, à un mètre de moi. Elles ont toutes de grands yeux marrons, un regard lumineux. Elles bavardent entre elles. Sourires échangés, quelques mots en bangla à mon attention.

 ? ! …

J’essaie de mon coté quelques mots en anglais. Nouveaux sourires.

« - Ami buzla na bangla ». Ils éclatent de rire. Ils s’adressent alors à Mustaffa pour en savoir plus sur le « sujet ».

Nouveaux sourires, nouveaux regards échangés, nouveau « patois bangla »…

Une sirène retentit. Nous sommes conviés à monter aux étages prendre place. Nous empruntons l’escalier. Au premier étage, un jeune homme nous demande nos billets, les déchire et nous les rend. D’un geste, il nous indique les escaliers à suivre.

Nous arrivons au deuxième étage. Je n’y vois pas grand-chose. La luminosité est « tamisée » par un manque de points d’éclairage. Nous redescendons quelques marches nous asseoir au rang du balcon. Nous avons une vue plongeante sur la salle dont la capacité avoisine les huit cents places. Je me penche au balcon. Nous devons être près de deux cents personnes dans la salle. Guère plus. La décoration est des plus sommaires. Quelques « bariolages » ici et là sur les murs. Rien de plus.

Nous prenons place sur nos bancs de bois repliable. Un jeune homme passe dans les rangs vendre « chips » et cacahuètes.

         
La projection commence, les éclairages s’éteignent. C’est la page « Publicité ». De la pub pour de la porcelaine et de la vaisselle. Trois ou quatre spots pour quelques produits alimentaires suivent. Pas de pub pour des parfums, des voitures, des vêtements… Autres consommations sans doute ici.

Sans même une bande annonce, la diffusion du film enchaîne. Je comprends rapidement qu’il s’agit d’un film de « bagarres ». Une bande de quelques hommes semble semer la terreur en s’en prenant à de petites gens. Sans doute sont-ils « les méchants ». Je comprends aussi qu’il y a le sympathique « fou » de service, un personnage atypique, qui semble être « le gentil ». Il combat ces méchants à l’occasion de rixes des plus grotesques et des plus cocasses. Les cascades des combats ne font pas dans la demi mesure. Un coup de poing, et le « gentil » fait « décoller » du sol son adversaire de 50 cms facilement, quand celui-ci ne va pas jusqu’à «devoir »  faire un saut périlleux arrière. Les équipes de maquillage doivent sans doute travailler « au seau » pour assurer la quantité de sang versé à l’occasion de ces combats acharnés.

De temps à autres, des scènes de danse s’intercalent entre deux combats. On est loin du cinéma « boolywood ». Les danses sont approximatives, les costumes et les décors des plus banals. Parfois, des scènes au « coté sexy » suscitent les réactions du public. Succès garantis. Les cadrages mettent en valeur les formes généreuses de certaines femmes. Certaines d’entre elles se laissent caresser leur ventre dévêtu par des hommes visiblement en recherche de plaisir.

Le film est en noir et blanc. Le son est assourdissant et résonnant. De longs traits blancs verticaux parcourent l’écran de façon aléatoire. Les images sont parfois saccadées. A croire que les montages des bobines se font à la colle ou au scotch.

Subitement, la pellicule se noircit. Du « fondu-enchainé », le projectionniste a du oublier l’ « enchainé ». Le public commence à siffler, à crier. L’image revient. Le projectionniste peut souffler.

Une heure et demie s’est écoulée. C’est l’entracte. Mustaffa voulait partir il y a quelques minutes déjà. De mon coté, j’ai mon aperçu du cinéma bangla. Il vaut ce qu’il vaut. Nous décidons de rentrer à l’hôtel.

Nous descendons les escaliers, gagnons le hall. Un homme nous entrouvre la grille métallique coulissante de l’entrée. Juste de quoi nous faufiler. Il pleut encore. Trois vendeurs se tiennent là près de l’entrée, à l’abri d’une dépassée de balcon. Ils attendent la sortie des spectateurs. Deux d’entre eux vendent des œufs cuits posés sur un tabouret de bois. A coté des oeufs, quelques petits sachets de papier journal, remplis de cacahuètes. Le troisième vend le traditionnel pan.

Nous traversons la rue et courrons nous abriter dans une boutique depuis laquelle Mustaffa pourra interpeller plus facilement un rickshaw wallah. Nous attendons là quelques minutes. Les rickshaws sont peu nombreux à circuler. Il a plu toute la journée. Sans doute éreintés par les conditions atmosphériques, un grand nombre d’entre eux ont du arrêter leur job plus tôt. Avec un tel temps, ils sont davantage sollicités et enchaînent course sur course sans répit.

Nous quittons l’échoppe et nous nous résignons à marcher sous la pluie. Nous veillons à nos pas pour éviter flaques, excréments, et autres infortunes. Mustaffa arrête un rickshaw wallah. Quelques mots échangés, puis nous montons.
         
Il nous tend un long plastique pour nous abriter de la pluie. Avec le vent,  nous serions mouillés en dépit de la capote dépliée. Nous tenons le plastique à la main, couvrons nos jambes avec. Le rickshaw wallah quant à lui s’abrite de la pluie avec un long sac plastique bleu.  Il l’a resserré avec une corde au niveau de son cou et de sa taille. Vêtement de fortune. Il s’élance. Un, deux, trois coups de pédale. Le rickshaw est lancé…

 

Jean-Louis

(à suivre)

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:45

Vendredi. C’est jour de fermeture ici. Moins de monde dans les rues, moins de circulation. Ca tombe bien. Il faut bien se lancer. Ce sera ce jour. Direction Old Dhaka, le centre. Adieu les larges avenues. On va aller s’imprégner de la ville, à rickshaw.  

Il est 11h00. Je rejoins Gulshan 1 depuis Gulshan 2 par de petites rues ombragées. Quartier résidentiel, bien loin de l’animation apocalyptique du centre du vieux Dhaka. Je farniente au guidon du rickshaw, pédalant lentement. Je lève la tête, à gauche à droite, observant de bien belles maisons parfois. Certaines font dans le High-Tech avec parois vitrées, d’autres dans le « classique » avec colonnes. Des panneaux « To let », « No parking » ici et là dans le quartier. Des panneaux que je n’ai pas vus à Kolatori (1)

Je croise des rickshaw wallahs. Ils me sourient.

« - Baloacen  »(2)

« - Balo, Balo  »

L’insolite inspire toujours les sourires.

Je rejoins la South Avenue. Quelques dizaines de mètres et me voici à Gulshan 1.

Je traverse le carrefour et emprunte une rue bordée de part et d’autre par Gulshan Lake. Des baraquements de tôle ondulée sur pilotis bordent le plan d’eau sur la gauche. Pas de barques, pas de pêcheurs. Les pilotis s’enfoncent-ils peut-être. Les baraquements penchent. A l’image peut-être de la vie de leurs habitants. Perpétuel équilibre. Etrange assimilation. Facile. Je sais. 

Je poursuis ma route, et arrive sur la DIT Road qui me conduira sur les quartiers arrières du vieux dhaka. Je dois traverser, voilà tout, la deux,trois, quatre voies, on ne sait pas au juste, qui vient de ma droite, pour gagner ensuite la voie qui vient de ma gauche, séparée de la précédente par un terre-plein central étroit, de terre et de béton, haut d’une cinquantaine de cm.

Je remarque un carrefour sur ma droite, à une centaine de mètres. C’est donc par là qu’il me faut passer pour « contourner » le terre-plein central.

Je ne suis pas seul à envisager cette solution. Devant moi, un jeune homme conduit un rickshaw carrier et semble aller dans ma direction. Je m’abrite derrière lui, le suis dans ses mouvements d’évitement.

C’est donc parti, me tiens bien à droite.

Je me trouve nez à nez dès les premiers mètres avec des rickshaw wallahs venant en sens inverse.

« - Dring ! Dring ! Dring ! »

J’y vais de ma sonnette, à tue-tête, à tue-sonnette.   

« - Dring ! Dring ! Dring ! »

Coup de guidon à droite. Coup de guidon à gauche. Ca passe. Ca passe toujours.

On va droit, quelques mètres.

Re-coup de guidon à gauche, re-coup de guidon à droite.

Nous arrivons lui et moi à proximité du carrefour. Je l’observe pour m’inscrire dans son sillage. Nous sommes l’un et l’autre sur le bas coté. Nous allons lentement. Un coup d’œil vers l’avant, vers l’arrière. No trafic. Un brusque coup de guidon à gauche, puis il se redresse alors, droit, debout sur ses pédales, bascule dans un geste lent son corps sur la gauche, puis sur la droite. Il se met en danseuse. Je m’engage derrière lui. Trois, quatre, cinq coups de pédales et nous traversons la voie. Première étape franchie. Il nous faut maintenant nous inscrire dans le trafic qui vient de notre gauche. Coup d’oeil vers l’arrière. Le bus est loin. J’ai le temps de passer. Je m’engage, et m’immerge dans le trafic. Le rickshaw wallah a suivi. Il se retourne vers moi, me regarde, me sourit. Complicité d’une étape franchie. Cette épreuve, cette « survie » dans le trafic urbain est le lot quotidien des rickshaw wallah ici. Rien d’exceptionnel pour lui. Il faut « vivre », « survivre ». Il faut passer. 

Il n’ y a maintenant plus qu’à suivre la DIT Road jusqu’à Old Dhaka.

Je lance le rickshaw, double un rickshaw de « drink water ». Les fontaines à eau ont du succès ici aussi.

Le trafic est dense, mais « supportable ». Les rickshaw sont nombreux sur la route. Il y a celui qui transporte des machines à coudre, un autre des bambous. Ils dépassent du rickshaw de 4 bon mètres vers l’arrière, retombent vers le sol sous l’effet de leurs poids, de 3 bons mètres vers l’avant, retombent vers le sol aussi.

Je double un rickshaw- wallah qui doit être de déménagement. Il y a de tout sur le rickshaw. Une table les pieds retournés, des ustensiles de cuisines en alu, des couvertures, des chaises de bois, et d’autres meubles, je n’sais encore. Je n’ose penser au poids.

Le long de la route, arrêté, un homme propose le jus de canne a sucre. Posé sur le plateau d’un rickshaw carrier, le « presse-canne à sucre ». Un adolescent est là, attendant sa boisson. L’homme engage la canne à sucre entre deux rouleaux métalliques, tourne une manivelle. La canne a sucre progresse, écrasée, et extrait son jus que l’homme récupère.

     

Entre les shops, sur la gauche, un autre « Lake », bordé, aussi, par un baraquement de tôle. Le bâtiment semble abandonné. L’eau arrive au pied de la porte, ouverte, ne semble vouloir entrer. Par pudeur d’inondation peut-être. Pourtant, parfois, elle ne se gêne pas ici dans le pays.

Il y a là de part et d’autre de la route, des ébénisteries, des mécaniciens en tout genre, des réparateurs de vélos, des chaudronniers, des marchands de bois, des garages à rickshaws. Sur les trottoirs, les vendeurs de pan sont là, de cigarettes, d’œufs, de coupe-faims et d’autres choses encore. Des cireurs de chaussures, assis en tailleurs à même le sol sur les trottoirs attendent des clients.

Un homme va sur le bas coté de la route, tenant à la main par les pattes six ou sept poules, la crête en bas. Il crie quelques mots de temps en temps, annonçant sans doute qu’il a de bien belles poules à vendre.

Sur la droite de la route, un marché aux bambous. Les bois sont longs, rangés en tas suivant leur taille sur un vaste terrain herbeux bordé de quelques arbres. Quelques petites chèvres noires broutent au milieu.   

Une cote s’annonce. J’approche. Certains rickshaw wallahs se redressent, se mettent en danseuse, forcent sur les pédales, question de fierté peut-être. D’autres, peut être  plus usés par le métier, descendent de leur rickshaw sitôt la montée se faisant ressentir. Je gravis les quelques mètres en forçant plus qu’à l’accoutumée.

Cette cote permet de franchir un cours d’eau étroit. Je redescends de l’autre coté, prudemment, les mains sur les freins.

Au bas de la descente, sur la gauche sur le trottoir, espacés régulièrement, des hommes assis au sol vendent des viennoiseries sous sachet plastique.

Je poursuis ma route, franchis la voie ferrée. Entre deux voies de chemin de fer, un adolescent vend des petits fruits ronds verts. Coup d’œil à droite, à gauche. Les voies sont encombrées de monde. Elles semblent être une voie supplémentaire de circulation piétonne. Sans doute que le train ne surgit jamais rapidement ici, de quoi laisser le temps aux uns aux autres de se ranger.

Je poursuis mon chemin, m’arrête de temps en temps pour consulter mon plan.
A cette occasion, certains passants lisent les quelques lignes traduites en Bangla accrochées au rickshaw. Parmi eux, un homme me demande ce que je veux faire exactement, si je veux créer une association pour aider les rickshaw wallahs. Un autre me demande si je suis journaliste ( ? ).

 « - No, only tourist ! »

Certains passants, les quelques lignes lues, me tapent amicalement sur l’épaule, me sourient. Ils me lancent un regard qui se suffit à lui même, qui rend les mots superflus, puis poursuivent leur chemin.

J’intrigue sans doute, en dépit de ces quelques mots explicatifs en bangla accrochés aux rickskaw, en dépit de mes explications.

     

Je m’approche des quartiers arrières du vieux Dhaka. Les avenues sont larges, bordées de hauts buildings. Je stoppe à un carrefour. Un policier organise au mieux la circulation. Sur la gauche, à proximité, un homme peint méticuleusement au pinceau une bande bleue sur une barrière faite de tôle métallique. Pas de règle, pas de repère, pas de mètre. Rien. Un travail soigneux, au mieux, et ça fera l’affaire.

Le policier nous laisse la route. Il me souris, et me lance un « Baloacen ». Lui aussi .
Quelques centaines de mètres plus loin, deux enfants assis au sol jouent sur un trottoir. Je m’arrête, gare le rickshaw et m’approche d’eux. Ils ne parlent pas « english ».

 « - Only bangla ! » me disent-ils.

Ils sont assis autour d’un quadrillage tracé au sol d’une craie orangée. Des petits cailloux gris et des petits bouts de branches vertes sont posés à certains croisements de lignes. Ils les déplacent à tour de rôle. Je les regarde jouer, essaie de comprendre la règle. Ma tête est peut-être fatiguée de mon trajet, de cette circulation. Ca ne m’aide pas. Le jeu semble s’apparenter au jeu de dames. Je n’en saurai que ça.

Je reste là quelques minutes à les regarder jouer.

     

Je les abandonne, reprends le rickshaw et poursuis ma route.

J’approche du vieux dhaka, arrive vers Nazir Bazar

Un jeune homme me demande de stopper. Il veut me prendre en photo ( ? ! ) Je m’arrête. Nous bavardons. Il parle anglais. Je lui explique mon projet, mon voyage. Il apprécie, se montre enthousiaste. Un attroupement se forme rapidement. Les questions viennent de droite, de gauche. Je réponds. J’essaie. Coup de klaxon. Les voitures ne passent plus dans la rue étroite. Ca me rappelle quelque chose.

Il me faut repartir. Des enfants me poussent et m’aident à relancer le rickshaw.

Beaucoup d’échoppes sont closes dans le quartier. En revanche, les petits vendeurs de mille et une choses sont là, encombrants les rues et les trottoirs. Les rues deviennent plus étroites sur cette partie de ville, la circulation plus dense. Il faut être plus vigilant encore. Je m’approche d’un restaurant, regarde à l’intérieur. Il est bondé. C’est bon signe. Je m’arrête, descends du rickshaw. Quelques manœuvres pour l’approcher du mur bordant la rue. Je l’attache au cadenas, et rentre dans le restaurant…

 Jean-Louis

(à suivre)

 

(1)  Quartier au nord de DhaKa où est installée la Compagnie de rickshaw de Mustaffa (voir article précédent)

(2)  « Bonjour »

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:43

Nous partons acheter Mustaffa et moi, un petit carnet. Je ne remets plus la main sur le mien.

Un jeune homme se tient sur le palier d’une boutique. Nous nous approchons. Mustaffa le questionne en bangla. L’homme ne répond pas, se tourne vers moi. Je poursuis « machinalement » en anglais par réflexe. L’homme s’adresse alors à moi et me réitère  ma question dans un anglais très hésitant, pour se rassurer peut-être d’en avoir compris le sens. 

Etant donné ses hésitations, je lui demande alors de s’adresser en bangla à Mustaffa. Il ne dit rien, ne dit mot à Mustaffa.

Mustaffa réitère sa question en bangla au jeune homme… et se voit bousculer par celui-ci.

? ? ? ?

Des mots sont alors échangés entre les deux hommes. Le ton est sévère. Je ne comprends pas. Je n’aurai pas la traduction. Le père du jeune homme qui se tenait à proximité, tente de « récupérer » la situation. Il a compris que son fils venait de commettre un impair, que Mustaffa n’était pas qu’un « simple » rickshaw wallah. 

Et si bien même il en était « un », qu’il y a-t-il ainsi à repousser des hommes…

 

Jean-Louis

(à suivre)

 

Ps : plusieurs fois les gens s’adressant à moi évoquent dans leur conversation « Le rickshaw wallah » en parlant de Mustaffa. Ils n’évoquent pas l'ami, l'homme. Non, le cliché demeure.

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 23:41

Il est midi. Plein soleil. Pas de thermomètre. Ca tombe bien pour le boss, on ne sait sous quelle température au juste ces hommes là travaillent. Là, accroupis toute la journée, à fabriquer ces briques. A quelques dizaines de mètres d’eux, des ouvriers remplissent à la pelle des brouettes de terre. Une terre modelable, du genre terre glaise. Les brouettes remplies, des hommes font les allers-retours entre les deux groupes d’ouvriers, les renversent aux pieds des premiers. Ceux ci s’en saisissent alors, mettent cette terre dans de petits moules de bois à l’aide d’une taloche. Le moule ainsi rempli, il n’y a plus qu’à le retourner. La brique est faite. On laissera sécher ça au soleil avant de passer au four.
          
La « visite » est finie. Nous retournons prendre vélo et rickshaw. Coup d’œil à l’arrière. Aucun véhicule. On peut y aller. Je pousse le rickshaw, le sort du bas coté, le remets sur la route. Je peux grimper. Debout sur les pédales, je le relance, me mets en danseuse. C’est parti.

Le paysage est pittoresque, verdoyant. Des rizières bordent la route. Des étendues d’eau s’invitent parfois entre celles-ci. Les installations de pêche, nombreuses, témoignent de l’activité dans ces étangs. Elles sont faites en bambou, permettent de lever des filets par un système de balancier. Le pêcheur gagne une plateforme de bois située en hauteur d’où il l’actionne. C’est une friture qu’on pêche ici. On ira la vendre au bazar d’a coté d’ici quelques heures.  

               

Nous roulons « bien ». La route est plate. Les bus, les voitures et les camions ne sont pas nombreux. Coup de klaxons de temps à autres, c’est tout. Nous croisons en revanche d’innombrables rickshaw carrier qui transportent bambous, pierres, pan, légumes, fruits, poules et autres. Je me rends compte ainsi combien les rickshaw wallahs sont essentiels à l’économie du pays en assurant le fret des marchandises, même ici dans les campagnes.

         
La route est ombragée. Trois enfants balaient les bas cotés. Ils tiennent à la main des branchages attachés entre eux par un bout de ficelle. Ils ramassent là feuilles mortes desséchées et le moindre branchage. Ce sera un moyen de combustion supplémentaire pour faire le feu à la maison. J’ai vu cela chez Mustaffa.
Quelques centaines de mètres plus loin, sur ma gauche, en contrebas de la route, un pré desséché. Près de l’étang qui le borde, cinq abris de fortune faits de bambous se tiennent là. Ils sont de forme tubulaire, ouverts aux deux extrémités, d’une hauteur de un mètre cinquante environ. Je perçois leur intérieur, et je ne perçois rien. Des plastiques bleus et blancs assurent l’étanchéité pour les jours de pluie. Des femmes assises à proximité de ces abris bavardent. Des enfants jouent autour. On est là parmi les plus déshérités. De quoi vivent ces gens. Je ne sais.

Nous traversons un peu plus tard un village. Ils sont nombreux, se succèdent les uns aux autres depuis quelques kilomètres. Leur nombre témoigne de la densité du pays. Pas de commerce ici. Ce sera plus loin, au bazar, qu'on les trouvera.
Des baraquements rectangulaires, au toit à deux pans, faits de tôle ondulée, se tiennent en retrait de quelques mètres de la route.  Ils sont organisés autour d’un point d’eau et de bosquets d’arbres. L’ensemble amène sans doute un peu de fraîcheur rendant peut-être supportable les températures sous les tôles. J’en doute quand même. Entre les baraquements et la route, sur la droite, deux vaches broutent la paille de riz séchée entreposée à leur égard. 
         
Nous sortons du village. Deux jeunes filles entièrement voilées, reviennent de l’école, les livres sous la main. Elles quittent la route, s’engagent dans un chemin. Machinalement, elles se retournent, m’aperçoivent, s’arrêtent. Je m’approche, passe à leur hauteur. Je ne perçois que leurs yeux. Un voile rouge pour l’une, violet pour l’autre, leur couvre la tête. Les couleurs tranchent avec le noir du tissu qui leur voile leurs corps. Elles me regardent passer. Leur curiosité est intacte.

Nous poursuivons notre route…

Jean-louis
(à suivre)

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